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Carte Vitale (et CPS) sur smartphone : une évolution d'allure anodine et branchée pour une mutation réelle en tout point catastrophique

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Les smartphones c'est cool, les smartphones, beaucoup ne peuvent plus s'en passer, les smartphones c'est pratique, ça concentre votre vie, ça remplace beaucoup de vos accessoires ... On pourrait aligner comme ça des tonnes de poncifs sur le sujet. Cependant, laissez-moi vous expliquer pourquoi de mon point de vue cette décision de remplacer cartes Vitale et CPS (Carte de Professionnel de Santé) par des apps est irresponsable à tous les niveaux de lecture.
En introduction et parce que cela commence à dater, rappelons que je connais un peu le monde de l'application smartphone. Dès 2009, j'ai souhaité y mettre les pieds et j'ai passé un deal avec une société pour aboutir à la mise en ligne de l'application Honoraires, outil qui a fait référence en termes de cotation des actes du médecin généraliste pendant de nombreuses années (Cette app a été cédée en même temps de remede.org, je n'y ai plus aucun intérêt). C'est l'app dont je suis le plus fier, mais ce n'est pas la seule. J'ai dû ainsi participer à la création d'une petite dizaine d'autres pour une distribution globale de quelques centaines de milliers d'exemplaires.
Si je fais ce petit rappel, ce n'est pas par vantardise, c'est qu'il y a une raison, nous y reviendrons secondairement.

D'abord je vais vous expliquer ce qui me choque basiquement dans cette évolution : c'est le fait de transférer le coût de la production de cartes à puce (Coût de revient à l'unité ? Quelques euros ? Quelques centimes d'euros ?) d'une dépense collective mutualisée au niveau d'un état vers un coût supporté uniquement par l'individu concerné. Et quel coût ! Le prix d'un smartphone n'est pas exactement celui d'une carte à puce.
Sa fréquence de renouvellement n'a d’ailleurs rien à voir.
Et ne parlons pas du coût écologique : le facteur pour le même service rendu est probablement astronomique.
Voilà pour ce premier point qui devrait déjà en lui seul faire renoncer à un tel projet.

Mon second argument est plus profond. Si j'ai rappelé que j'avais mis un pied pendant des années dans l'univers des apps smartphone, c'est pour mieux vous dire que j'en connais parfaitement les dérives. Elles sont nombreuses, mais je vais essayer de faire court.

D'abord il y a le simple problème que ce qui gouverne les différents App Store, c'est une licence d'utilisation écrite par des géants de l'industrie informatique et que ces géants ne sont ni français, ni européen, cela ne vous aura pas échappé.
Pour le dire en une phrase : Apple et Google font ce qu'ils veulent sur leurs services et le font avec un esprit et une mentalité qui là encore n'est ni française ni européenne.
Ajoutez à cela que ces gens, Apple en particulier, ont une fâcheuse tendance à se réveiller un matin en se disant que ce qui était bien pour vous hier n'est plus bien aujourd'hui et que dans 15 jours vous devrez avoir accepté cette nouvelle vision qu'ils imposeront au monde. Si vous pensez que je caricature, parlez-en aux petits programmeurs comme aux gros industriels qui se sont fait jeter du jour au lendemain ... (oui, j'en ai été : Apple m'a dicté ce que devait être mon application mémopilule parce qu'eux savaient ce que devait être un aide mémoire sur les contraceptifs oraux disponibles sur le sol français)
Alors vous êtes libre de penser que l’État français ne sera pas un client comme les autres de ces boites ... Mettez-vous plutôt le doigt dans l’œil (et appuyez bien fort) : que valent 60M de Français dans un écosystème mondialisé ?
En tout état de cause, je vois cette aliénation du système sur un périphérique où on ne maîtrise rien comme une profonde absurdité par la perte d'indépendance que cela procure.
Et dire que la carte à puce était une invention française ... !

Par contre, là où vous serez certain que l’État et le citoyen français seront considérés comme des utilisateurs lambda, c'est quand il s’agira pour la NSA de piocher dans ce qu'elle peut accumuler de vous sur les smartphones et serveurs sous sa tutelle (ou pas, puisqu'elle semble se ficher totalement des moindres considérations du droit, même sur son sol). Je ne détaille pas, si vous ne l'avez pas fait, lisez le livre d'Edward Snowden.
Sur ce point, en plus de quitter un système dont on maîtrise de A à Z les tenants et les aboutissants, on entre dans un système où les risques individuels et collectifs explosent, car on ne maitrise quasi plus rien de la chaîne. On y invite d'ailleurs également au travers de l'utilisation de dispositif grand publique tout ce que le monde de la cybercriminalité fait de mieux et de divers. Bienvenue, Mesdames Messieurs, dans le système de santé français. Après l'open bar DMP et HDS, laissez- nous vous présenter les outils de l'assurance maladie !
Pour une administration qui justifie toute sa technophilie par le mot sécurité employé à toutes les sauces, c'est, comme on disait dans la cour de récré à mon époque, "le comble du comble".

Voilà en quelques mots toute l'absurdité portée par une mutation que l'ultra majorité trouvera tellement logique et tendance.
Amplifications monstrueuses des coûts au sens large et report sur l'individu (la majorité n'ayant pas besoin que les coûts obligatoires d'une simple existence dans la société augmentent !), amplification des risques sécuritaires, perte d'indépendance et possiblement de souveraineté : ne cherchez pas, il est aujourd'hui difficile de trouver une décision d'apparence aussi anodine qui porte en réalité une telle diversité du pire technologique.
Crédit photo : Tom Sodoge