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Qu’avons-nous fait de nos outils médicaux numériques d’échange et d’entraide ?

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Cette question je me la pose depuis un bon moment déjà.
Je suis l’évolution du net en France depuis la seconde moitié des années 90, créant outils et services depuis cette même période.
Quelle a été l’évolution des choses ? Je ne vais pas me lancer dans un historique précis, mais plutôt faire un constat général : plus elles ont avancé, plus nous nous sommes satisfaits d’outils grand public médiocres, voire dangereux, pour le travail que nous leur confions.

Prenons les 2 extrêmes. Au début était le forum. Le forum est un outil puissant sous tous les aspects : l’information qui s’y accumule est hiérarchisée, triée, indexée. Les droits d’accès et ceux des utilisateurs sont hautement paramétrables ainsi que la politique de modération qu’on souhaite y appliquer. Des forums, tout le monde peut en installer : des particuliers, des associations, des groupes privés voulant y faire un business publicitaire …

Aujourd’hui et depuis quelques années sont les réseaux sociaux. Twitter et Facebook en sont les 2 représentants bien implantés dans le monde médical.
Examinons Twitter que je connais bien : la seule structuration de l’information est chronologique. Les hashtags sont là pour la forme et n’assurent qu’un rôle mineur. L’indexation est inexistante, il en est de même pour toute espèce de classification du contenu généré. Le principe de modération n’existe pas. Twitter est une jungle. C’est la loi du plus nombreux ou du plus fort qui s’y applique. Le débat est faussement ouvert : il n’y a pas débat en 280 caractères, il y a surtout bons mots et formules cassantes. Twitter c’est aussi l’impossibilité d’avoir une discussion au-dessus du niveau de connaissance de la base, surtout sur des sujets sensibles : tout propos qui dévie du consensus politiquement correct du jour provoque une marée d’avis de niveau caniveau, quand il ne s’agit tout simplement pas d’un déversement d’une haine primaire.
Facebook maintenant : vous avez pour la plupart d’entre vous tout confié à Facebook. Votre vie privée et indirectement celle de vos amis, de votre famille, de vos enfants. Et puis vous avez participé à des groupes médicaux. Malgré les sollicitations du système, je ne m’y suis jamais inscrit. Par quel mécanisme, je n’en sais rien, on me présente parfois à l’écran des sujets circulants dans ces groupes. C’est consternant : comment oser publier des cas médicaux dans un système dont on sait qu’il a une puissance d’analyse telle qu’il serait bien capable, même sur de simples critères géographiques, de remettre un nom sur les patients évoqués ?

Et c’est enfin là l’ultime problème de l’utilisation de ces réseaux sociaux : d’un internet qui était associatif, ou pro financé par la publicité, nous avons migré nos outils d’échanges vers des groupes qui vivent des données personnelles. Chaque jour qui passe ou presque nous donne un exemple de nouvelles dérives et d’utilisations illicites des données exploitées par ces groupes mondiaux. De là à conclure que l’utilisation de réseaux sociaux est une violation du secret médical, il n’y a qu’un pas.

La conclusion de tout ça n’est pas que c’était mieux avant. La conclusion est qu’il est peut-être temps de s’intéresser à ce que nous utilisons et d’établir la balance bénéfices-risques, à titre individuel comme collectif. S’interroger sur ses pratiques est une règle de la base de nos professions, l’univers numérique dans lequel elles agissent ne devrait pas échapper à ce questionnement (et une incompétence auto déclarée devant un ordinateur ne pas être un argument recevable pour justifier de ne pas le faire).

L’autre conclusion est qu’il est urgentissime que le monde médical soit enfin mature vis-à-vis de l’outil informatique. L’évolution des dernières années prouve que les problèmes majeurs ne sont plus le stéthoscope ou le bistouri, mais l’ordinateur et le serveur. Rendez-vous en ligne, logiciels médicaux, télémédecine, outils professionnels d’échanges ...: la carence technologique de la profession n’entame malheureusement pas qu’elle, mais surtout les patients et donc in fine toute notre société.