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Suppression du numerus clausus : la nouvelle arnaque

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C'est un des titres du jour : le gouvernement veut une réforme de la PACES, et donc une suppression du numerus clausus. La belle idée démagogique que voilà, bien assaisonnée à la sauce "pénurie médicale" (qui n'a rien à voir !).
Commençons par un rapide historique. Je ne remonterais pas jusqu'à l'instauration du numerus clausus, de sa mauvaise gestion entraînant la pénurie médicale actuelle : cela n'a que peu à voir avec le sujet que je veux ici traiter, c'est-à-dire les conditions de la sélection des futurs professionnels médicaux.

Il y a bien longtemps existait le PCEM1 : Premier Cycle des Études Médicales 1, c'est-à-dire la 1re année de médecine. Existaient aussi la PCEP1, le PCEO1 le P étant ici pour Pharmaceutiques et le O pour Odontologiques. Chaque formation était bien séparée : chacun avait son amphi, son emploi du temps, son concours. Quand on ratait l'un (2 fois max) on pouvait tenter les autres. Tout était clair, tout était limpide : on entrait le matin dans l'amphi en sachant qui était là pourquoi. Tous les ans un numerus clausus pour chaque filière était publié. Limpide vous dis-je !

En 2004, la calculette ministérielle commençant sûrement à s'affoler, on a inventé la PACES : Première Année Commune aux Études de Santé. L'idée (boucherie) révolutionnaire était de mettre tout le monde dans le même amphithéâtre, de faire un concours commun et autant de classements (pondération des épreuves) que de filières postulées par l'étudiant. On comprend bien les avantages économiques, il ne faut pas être sorti de l'ENA, à réduire le nombre de concours et même à limiter les conditions de redoublement ...
Pour le bien-être des étudiants, mais qui a dit que cela était un facteur à prendre en compte, tout ce qui était avant parfaitement clair et limpide est devenu compliqué : dans l'amphi qui est là pourquoi ? Faut-il présenter toutes les filières et finir sage-femme alors qu'on souhaitait devenir médecin ?
Notez que c'est d'ailleurs à partir de la PACES que les effectifs de sage-femme homme ont explosé ... sûrement des vocations tombées en masse du ciel et qui ne s'assumaient pas avant ...

Aujourd'hui, on nous parle donc de la suppression du numerus clausus et de la PACES sur des thèmes très humanistes : "rendez-vous compte ma bonne dame, ce concours est inhumain ...".
Mais qui a rendu la situation inhumaine ? D'abord le politique, pressé par sa calculette, qui a inventé la PACES ... Secondairement les universités et doyens qui n'ont RIEN fait pour arranger les choses et lutter contre l'engrenage commercial des prépas privées qui s'est mis en place pour remplir un vide absolu. Ce n'est pas compliqué : depuis 20 ans, on n'a rien fait pour endiguer les choses, pour diminuer la pression sur les nouveaux arrivants en faculté. On ne parle d'ailleurs du Tutorat que depuis 3 ou 4 ans, pas plus. On n'a pas utilisé Internet pour faire de la diffusion de masse des outils nécessaires pour travailler en première année : polycopiés, annales, vidéo des cours ... Toutes ces actions auraient pu diminuer la pression sur les épaules des étudiants en diminuant la pression en amphi (nécessité de tout bien entendre et voir, de récupérer les ressources à l'heure ....) comme bien en amont de la rentrée universitaire d'ailleurs.
À cet instant, l’honnêteté impose de dire que le seul facteur qui intéresse les facultés en matière de PACES, c'est le coût sur le budget. Moins on en fait, plus c'est invivable, moins il y aura de candidats et moins il faudra de ressources. Pourquoi diable investir ?! Le souci pour ces braves gens, c'est que cette logique n'a pas vraiment fonctionné : les effectifs en PACES sont probablement encore trop élevés et l'addition finale trop lourde.

Alors que nous propose-t-on ? Pour le moment, on ne sait pas vraiment. On est assez bien habitué dans le genre, car dès qu'on parle de la PACES sur le versant "monde inhumain, concours de fou, gâchis humain", personne n'a rien à dire au-delà du constat démagogique et convenu.
À mon sens, la seule question à se poser est ici : vaut-il mieux un concours clair, net et précis dans sa durée, ses modalités (comme l'était celui du PCEM1) qu'une sélection qui ne dit pas son nom et qui se fera sur des paramètres obscurs ou régionaux inégalitaires ? Pour ce qui me concerne, il n'y a pas photo : tout brutal qu'un concours puisse être, je le préfère 1000 fois à une sélection foireuse (qui plus est, pourrait intervenir en fin de licence comme j'ai pu le lire !!!) tant que les règles du jeu sont établies dès le départ. Et je ne parle même pas de l'introduction de facteur humain dans la sélection des étudiants, du genre entretiens oraux : je n'ai aucune confiance envers mes confrères (et soyons honnête envers moi même si j'étais à leur place) pour ne pas faire de la sélection privilégiant leur progéniture respective. Car oui, le vrai danger est là : faire croire qu'on va améliorer les choses alors qu'on va faire pire que mieux. Et si vous ne voyez pas de quoi je parle, regardez l'évolution du concours de l'internat en ECN puis ECNi ! ECNi qu'on va finalement supprimer après quelques années tellement son niveau d'inadéquation avec le but recherché est gigantesque. Mais au fait, combien de temps a duré le concours d'internat initial que du jour au lendemain on a cru bon de réformer ? Était-il si mauvais que ça pour avoir duré si longtemps ? Quand on n’en a pas les moyens, le mieux est encore plus l'ennemi du bien. Et on sait (sans savoir pourquoi et où ils passent) que ce pays n'a pas les moyens du mieux.

Voilà. Ne vous faites pas avoir : la réforme du PACES par le monde politique n'est pas une prise en compte de la pénibilité de cette année de concours, c'est juste la résolution d'une équation économique dont le niveau de priorité a dû être rehaussé.
D'ailleurs si passer un an à préparer un concours était une situation déchirante, il faudrait d'urgence revoir le fonctionnement des prépas et des lycées parisiens qui élèvent dès le plus jeune âge des bêtes à concours. Il faudrait aussi s'intéresser à celui de l'ENA .... quand on voit quel genre de personnalité il peut engendrer, il y a là encore une certaine forme d'urgence sanitaire.

Pour terminer, voici ma recette pour une sélection sereine à l'entrée des filières médicales :
- retour à un concours par discipline : il faut savoir dès le départ combien il y a de places, combien il y a de concurrents
- publication complète et intégrale, accessibles en ligne librement sans aucune restriction, de tous les documents de travail : annales intégrales corrigées, polycopiés, vidéos des cours
- interdiction de la publication de ce contenu par des éditeurs tiers (cf ECN !)
- obligation du tutorat, séances de question-réponse par les PU PH
- restriction du programme à des disciplines abordées simplement et utiles à la vie d'Homme et de citoyen : anatomie, embryologie, physiologie, premiers secours, lca ... afin que l'année de PACES ne soit pas vécue comme une perte de temps, mais qu'elle apporte un réel plus à la vie future.

Plus c'est simple, plus c'est clair, moins ça génère de mauvaises surprises, de stress.