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10 ans de critique de livres médicaux : bilan ... au vitriol !

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Depuis 10 ans j'ai fait critiquer, ailleurs puis ici, des livres par des étudiants. Bilan ... au vitriol.
Tout a donc commencé sur remede.org il y a une dizaine d'années. L'idée de base était très simple : faire critiquer par les principaux intéressés, les étudiants, les productions des éditeurs français. Naturellement, les livres pour les ECN ont pris beaucoup de place dans le décor, mais nous avons parfois critiqué des livres PACES ou des livres pour les pros.

Pendant ces années, les étudiants et bénévoles se sont relayés. Certains ont accumulé une masse considérable d'ouvrages, en kilos ou en euros ! Les éditeurs ont eux profité très largement du système puisqu'il ne comportait aucun droit d'entrée et que le seul coût était l'expédition des livres aux lecteurs désignés. Malgré cela, certains ont été incapables d'en profiter.

Il faut à cet instant faire grincer des dents, celles des acteurs de ces "honorables" maisons parfois centenaires. Vous pourrez, lecteurs, penser que je crache ici dans la soupe, mais il n'en est rien. Ce que je vais expliquer ici est un constat. Constat hallucinant, mais constat impartial.

Pour être plus clair, changeons de secteur et prenons celui de l'automobile. Imaginez : vous chercher à changer de voiture. Vous parcourez les concessions de chaque marque. Vous regardez les modèles et vous souhaitez partir avec les documents sur chacun et avoir un peu de matière pour la réflexion sur les couleurs, les intérieurs, les options. À cet instant précis, problème : on vous tend une photocopie noir et blanc sur laquelle il y a des photos du modèle du véhicule prises dans la rue et, pour matérialiser les couleurs possibles, on a collé un coup de feutres sur le papier. Devant votre regard surpris, le garagiste vous explique que le fabricant du véhicule ne fournit aucune photo, aucun nuancier de couleur, en un mot aucun matériel de promotion. Le garagiste doit se débrouiller seul.

Vous vous demandez peut-être où je veux en venir ? Et bien les éditeurs d'ouvrages médicaux fonctionnent de la sorte depuis que le net existe. Pour preuve regardez les rayonnages des librairies en ligne et le nombre de couvertures illisibles, à la résolution timbre poste. Depuis 20 ans, ce sont les libraires qui font majoritairement le travail en scannant les couvertures et les sommaires ou extraits intérieurs des exemplaires qu'ils vont mettre à la vente.
De mon côté j'ai sur MedShake plusieurs centaines de lignes de programmation pour récupérer des données automatiquement par web scraping sur les sites des éditeurs et pouvoir ajouter des ouvrages, des images de couverture, des PDF d'extraits sans faire des milliers de copier-coller.
Pourtant, un standard existe pour l'échange automatisé de fiches d'informations complètes et de médias sur un ouvrage. Il s'agit d'ONIX. Mais même les grands éditeurs ne proposent rien d'autre que de vous faire des envois par mail (ou sur votre FTP) de couvertures et de PDF, alors les petits ... Les seuls qui ont eu un jour quelque chose d'automatisé étaient De Boeck, mais le site et la fonction a disparu au fil des rachats de l'entreprise.
Conséquence de tout cela ? Ne soyez pas étonné de trouver dans les descriptifs des librairies en ligne de très nombreuses erreurs sur les ouvrages : auteur, nombre de pages, parfois même aspect de la couverture finale. La plupart du temps les caractéristiques sont données à titre prévisionnel par les éditeurs sur les futures productions et comme ils ne fournissent aucun moyen de les contrôler ensuite, sauf la resaisie manuelle ...

Que peut-on penser et souhaiter pour un tel secteur en 2018 ? Pour les gros, les très gros, ceux qui ne font aucun effort et vivent sur le rapt des données ou des savoirs scientifiques mondiaux, on espère bien qu'ils finiront par plonger. Inutile d'épiloguer là dessus. Pour les autres ? Difficile. J'ai envie de penser que plus l'agonie sera courte, mieux cela sera. Vivre avec un siècle de retard et en faire pâtir potentiellement toute la filière, jusqu'à ce qu'elle crève écrasée par un Amazon ou un autre, n'est peut-être pas souhaitable.

Voilà pour ce bilan de 10 ans. Il n'y a plus aujourd'hui de productions et d'auteurs vraiment mauvais, il n'y a plus que des éditeurs vraiment médiocres. Continuer à faire leur jeu dans un monde où les auteurs feraient bien d'aller voir ailleurs (Il y a des tas d'opportunités numériques pour partager sa production et ses envies de pédagogie et d'enseignement !) ne serait pas cohérent. En tout cas cela ne l'est plus du tout pour moi depuis quelque temps. Et cela l'est encore moins quand ces entreprises, qui pour certaines ne semblent vraiment pas tourner bien rond, n'en font qu'à leur tête et reviennent sur leurs promesses en ne répondant plus ni au mail ni au téléphone du jour au lendemain, sans aucune explication. MedShake et les lecteurs participants n'ont pas à subir ce genre de caprice et à être traités de la sorte.

Ainsi se termine donc ce projet de 10 ans. Merci aux lecteurs, merci aussi aux employés sympas des maisons d'édition croisés au fil des années. Il n'y a dans ce billet rien contre vous qui n'êtes le plus souvent qu'un rouage d'un système devenu, lentement mais sûrement, hors du temps.
En illustration : allégorie de la modernité, par les éditeurs médicaux français.