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La souscription à un service de rendez-vous en ligne est une violation du secret médical

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J'ai toujours été pour appeler un chat un chat. L'utilisation d'un service de rendez-vous en ligne par un professionnel est une violation du secret médical. Pour ce qui me concerne, cela ne fait pas débat, voilà pourquoi.
La prise de rendez-vous médicaux / paramédicaux en ligne, c'est la grande tendance. Faute d'avoir les moyens d'exercer correctement et d'embaucher du personnel, les professionnels de santé, dont la plupart sont laissés dans une situation indigne qui n'arrange en rien la pénurie médicale, se tournent massivement vers ce type de service.

Bon nombre de sociétés ont depuis quelques années flairé le bon plan. Elles sont ainsi un très grand nombre, un trop grand nombre, à mettre des solutions sur le marché. Tout cela finira par se concentrer entre les mains de quelques acteurs, comme partout ailleurs.

Ceci dit, une chose étonne assez rapidement quand on regarde passer l'actualité du secteur : les grands noms du domaine lèvent des millions d'euros, parfois des dizaines de millions d'euros.
Soyons sérieux : faut-il des millions d'euros pour mettre en ligne un service de rendez-vous en ligne ? La réponse est bien évidemment non. Une petite équipe de quelques développeurs motivés fait aujourd'hui dans la moindre start-up des choses infiniment plus complexes au niveau technologique avec bien moins de moyens.

Alors qu'est-ce qui motive certains à injecter une masse d'argent considérable dans ce genre de service ?
Une chose me parait certaine : sûrement pas le fait de fournir un bel agenda numérique en ligne pour les toubibs.

Clairement, l'enjeu ne peut être qu'autre. À l'autre bout de la chaîne qui trouve-t-on ? Le patient. Une masse infinie de patients. Qui est patient ? Tout le monde.

Reprenons l'équation :
- un patient, une population, qui livre bon gré mal gré, ses données administratives
- un médecin, des médecins, qui livrent leurs informations professionnelles (sa spécialité, ses capacités ...)
- une société commerciale qui agrège l'ensemble et qui est capable, plus elle a de clients professionnels, de tracer l'ensemble du parcours santé d'un citoyen (souvenez-vous : beaucoup d'acteurs du rendez-vous, mais cela va se concentrer).

Faisons maintenant un jeu :
- Patient de 14 ans : se met à consulter de façon répétée un endocrinologue, son généraliste mensuellement, une infirmière. Faut-il vous faire l'insulte que lui coller une étiquette de diabétique insulino-dépendant est une évidence statistique ?
- Patient de 50 ans : cardiologue consulté en milieu hospitalier, puis en ville. Généraliste mensuellement. Je ne vous fais pas un dessin là non plus.
- Femme jeune : consultations chez son généraliste puis immédiatement chez l'IDE. Consultations rapprochées chez une gynécologue, dont un rendez-vous d'écho puis plus rien. Conclusion : probabilité statistique importante d'IVG.

Voilà, nous pourrions jouer longtemps. Mais s'agit-il vraiment d'un jeu quand on vient y associer une puissance de calcul importante et des outils statistiques informatiques puissants ?

On a lu il y a quelques années maintenant un article qui mettait à nu complètement un internaute, les journalistes ayant assemblé tout ce qu'ils trouvaient sur l'individu dans les réseaux sociaux.
Cette mise à nu médicale est-elle ici souhaitable ?

Souscrire à un service de rendez-vous en ligne commercialisé par une société tierce est une forme de violation du secret médical. C'est amener les patients à entrer dans un outil statistique dont on ne maitrise ni les tenants ni les aboutissants. C'est livrer une partie de leurs vies médicales à un tiers.

Alors oui, les acteurs économiques concernés démonteront totalement mon propos : "la loi, les contrats signés avec les pros ... blablabla ... blablabla". Facile, le marketing est payé pour ça : avoir une réponse à tout.
Mais on sait très bien comment se termine un bon lobbying. On sait parfaitement quel est le pouvoir des mutuelles de santé (pour ne parler que d'elles) dans l'univers politique.
On connaît aussi comment sont revues et amandées des conditions générales d'utilisations au fur et à mesure de l'évolution des lois. Vous savez, ces textes qu'on ne lit presque jamais initialement et dont il faut accepter les modifications par la suite si on veut continuer à utiliser le service.
Enfin, on sait très bien comment les promesses de sécurité informatique sont démenties chaque jour par les cybercriminels. Le jour où cela vaudra le coup, c'est à dire le jour où ces services se seront suffisamment concentrés pour contenir les dossiers médicaux (même statistique !) d'une grande population, ils seront là. Vous pourrez coller sur les sites de rendez-vous en ligne tous les labels de données d'hébergeur santé que vous voudrez, ils tomberont comme n'importe quel site de n'importe quelle grande société de ce monde globalisé.

En conclusion, je sais quels retours on me fera de ce texte :
- le patient dira que c'est pratique
- le toubib dira qu'il ne peut faire autrement. Éventuellement, pour soulager sa conscience, il parlera de fantasmes technophiles de ma part ...
- le community manager du site de rendez-vous sortira quelques extraits de contrat type histoire de dire que "non pas de ça chez nous !".

Pour finir, parce que je n'y résiste pas, mon propos ne touche ici que les rendez-vous en ligne. N'essayez même pas d'imaginer quelles sont mes pensées concernant le fait d'utiliser un service de logiciel de gestion patient dans le cloud. La problématique est dans ce cas démultipliée.

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