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Choix d'un logiciel médical : gouts et couleurs, les seuls paramètres à négliger.

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Quand on construit son activité médicale, il y a un temps pour le choix des systèmes informatiques que l'on va utiliser. On pourrait croire que les aspects esthétiques et ergonomiques des logiciels sont des points clés. Au contraire, ce sont des éléments secondaires. La première sélection doit se faire sur d'autres arguments, bien plus primordiaux et bien trop ignorés.
Comment se déroulent habituellement les choix informatiques logiciels du Dr Toulemonde ? Le Dr Toulemonde a en général une expérience informatique personnelle et professionnelle qui l'a amené à se forger une opinion sur ses goûts informatiques. Il est ainsi plutôt Mac ou plutôt PC, il préfère plutôt les logiciels qui lui mettent tout direct à l'écran ou il aime au contraire les interfaces plus sobres.

Une chose est sure : le Dr Toulemonde va faire en général son choix sur ces arguments-là. Il va remplir un formulaire d'inscription, signer quelques papiers et passer à l'action : installation, configuration ...

À cet instant-là, il est déjà trop tard. Le Dr Toulemonde a fait une erreur capitale. Il a donné la priorité dans son choix aux goûts et aux couleurs, pas au contrat qui le lie à l'éditeur de son logiciel.
Même si le Dr Toulemonde a pris le temps de lire les papiers qu'il a dû signer, il est comme la plupart d'entre nous : il n'a aucune compétence en droit commercial. Il s'imagine que ce qui est valable pour sa profession l'est aussi pour celle des autres : sérieux, responsabilité ... Il se trompe et gravement même.

Les contrats et licences d'utilisation des logiciels sont faits par ceux qui les vendent, pas par ceux qui les utilisent. Pensez-vous un instant qu'ils soient rédigés en la défaveur de leurs auteurs ? Quand on se penche sur la lecture de ce genre de document, éclairé par un avocat au besoin, c'est l'effroi : tout est fait pour minimiser la responsabilité de l'éditeur du logiciel, tant sur le plan moral que sur le plan financier.
Et quand bien même l'éditeur ne respecterait pas son propre contrat, en coupant par exemple l'accès à son logiciel sans le moindre préavis, il ne serait redevable de rien ou de pas grand-chose. Les relations entre l'éditeur et le Dr Toulemonde relèvent du tribunal de commerce. Ce dernier établit les fautes, mais répare les préjudices. Or les plafonds des préjudices peuvent être définis dans le contrat passé entre l'éditeur et le Dr Toulemonde. Au pire, ils ne peuvent pas vraiment dépasser le coût du logiciel lui-même et celui de la maintenance ... c'est-à-dire un coût bien inférieur à celui d'une action en justice, un coût bien inférieur à la perte de tous vos dossiers médicaux ou de votre agenda de rendez-vous plein à 6 mois.

Clairement : l'éditeur fait ce qu'il veut, comme il veut. Le Dr Toulemonde n'ira de toute façon pas, petite structure oblige, dépenser des dizaines de milliers d'euros pour faire un procès qui ne lui rapportera rien d'autre qu'une victoire morale.

Arrivée à ce paragraphe, vous vous dites que tout cela est de la paranoïa, de la théorie extrapolée pour rédiger un billet de blog. Et vous vous mettez le doigt dans l'oeil. Cette expérience, je l'ai vécue il y a quelques mois, de l'intérieur : un éditeur de logiciel mis en cause par un praticien pour un problème technique grave (pertes de données médicales), trouve que cet utilisateur devient embarrassant. Ni une ni deux, il coupe un samedi soir à distance la possibilité d'utiliser son logiciel et l'accès à l'agenda en se retranchant derrière une pseudo violation de la licence d'utilisation. Il sait qu'il ne risque pas grand-chose, il s'en donne donc à coeur joie.
Mais qu'on ne s'y trompe pas : de très grosses structures médicales ont subi aussi, sous une forme ou sous une autre, sous un prétexte ou sous un autre, ce genre de coupure informatique empêchant tout accès aux dossiers patients pendant de nombreuses heures. Je n'ai qu'à tourner mon regard vers l'autre côté de la baie de Saint-Brieuc pour trouver un magnifique exemple ...

Les éditeurs de logiciels médicaux semblent être sans scrupules. Travailler avec des acteurs de santé ne semble leur poser aucun cas de conscience. Couper l'accès aux logiciels médicaux quand des professionnels ont des malades en face d'eux ne leur pose visiblement aucun problème. Situations impensables, inimaginables, mais réelles.
Et si vous pensez encore que je fabule : (re)lisez vos contrats, en particulier au paragraphe "Responsabilités". Vous avez le choix : licence logiciel, contrat de logiciel en ligne, prise de rendez-vous en ligne ... tous ces éditeurs partagent la même pratique : se rendre le plus irresponsable possible par contrat pour se dégager de toute responsabilité, quoi qu'il arrive d'involontaire ... ou non.

Pour faire un parallèle clair pour ceux qui ne voudraient vraiment pas comprendre, imaginons qu'un patient rentre dans votre cabinet. Parmi les premières choses que vous lui expliquez, le fait que vous pourrez faire n'importe quoi avec lui, il ne sera jamais dédommagé, quoi qu'il arrive, plus du tarif de la consultation. Oui oui, on en est bien là, vous avez parfaitement compris.

Tout ceci étant dit, il faut maintenant passer aux conclusions et solutions :
- La règle n°1 est pour moi la suivante : jamais, Jamais, JAMAIS tu n'utiliseras et tu ne confieras tes données à un système informatique qui n'est pas dans tes murs. Agenda ou dossiers patients tu maitriseras ces données à 100%. Il y a une règle en informatique : celui qui a physiquement la machine sous la main est souvent le gagnant. Si vos données sont sur un serveur à l'autre bout du pays (du monde ?) alors c'est terminé pour vous. Si la machine est dans vos murs, vous pourrez peut-être vous retourner.

- Règle n°2 : tu n'utiliseras pas de logiciels commerciaux quand des logiciels associatifs ou libres sont disponibles. Même si le logiciel n'est pas beau, même s'il faut un clic de plus par action. On parle ici de votre outil de travail et de vos données sur plusieurs dizaines d'années. Personne ne doit pouvoir jamais vous en bloquer l'accès. Personne ne doit pouvoir vous faire chanter.

- Règle n°3 : si tu ne peux pas te passer d'un logiciel commercial, tu ne feras jamais, Jamais, JAMAIS confiance aux déclarations verbales du commercial ou du support technique. Tu éplucheras les contrats et licences préalablement à la signature, avec l'aide d'un avocat si besoin. Tu proposeras des modifications du contrat ou tu ne seras pas client : toute cette paperasse doit clairement répondre au scénario du pire et si dans ce scénario tu n'en sors pas vivant ou que tu es le seul perdant, alors c'est qu'il n'est pas équilibré.

- Règle n°4 : tu favoriseras, même par ta simple prise de parole, la reprise en main de ses outils informatiques par le monde médical. C'est aussi une forme d'indépendance de la profession qui se joue dans ces questions. Favoriser l'associatif et le libre est intimement liée à la vision de l'éthique médicale la plus partagée.

Tout ceci étant dit, quelques liens pour faire immédiatement dans le concret :
- AlmaPro : logiciel associatif de gestion de cabinet médical
- FreeHealth : logiciel libre de gestion de cabinet
- FreeMedForms : logiciel libre de gestion de cabinet
- MedShakeEHR : logiciel réalisé par moi même (vous savez maintenant pourquoi !), modulaire, open source, il possède un premier module pour l'exercice de la gynécologie obstétrique.
- MédyCS : logiciel associatif de gestion de cabinet médical, appartient au SYNGOF mais peut être utilisé pour tout à fait autre chose que la gynécologie obstétrique (hautement personnalisable ... mais très complexe)
- Xmed : logiciel associatif de gestion de cabinet médical


Voilà. Croyez-moi ou non, vous retrouver en position de victime dans ces situations là pousse au comportement suicidaire. Jamais je n'aurais pu croire avant cet épisode qu'une possible perte de données médicales (ce qui n'est pas arrivé ici au final) puisse venir d'autre chose que d'un scénario du pire au niveau technique, et en particulier pas de l'action consciente et volontaire d'un éditeur de logiciel médical.
J'espère que ce billet permettra à certains de faire des choix plus éclairés.